16 ans, l’âge de la paix

Aujourd’hui, ArtsHebdoMédias a 16 ans !

Alors que l’artiste et poète Robert Montgomery était sollicité pour réaliser une œuvre commémorant la fin de la Première Guerre mondiale, il a décidé de saluer non pas le dernier jour de guerre mais les 100 ans du premier jour de paix. Érigée sur une plateforme roulante et écrite au néon, la phrase, « La paix est le rêve d’une âme humaine partagée que nous construisons chaque jour avec le pardon, la bonté et l’espoir », a fait le tour du Royaume-Uni en guise d’incitation pour toutes les communautés à discuter de la paix, de la liberté et de l’espoir en l’avenir. Une œuvre rare. Un exemple.

Le déclic

Quand l’écrivaine, médecin et galeriste Barbara Polla m’a raconté comment elle n’avait pas pu réunir un nombre suffisant d’artistes dont l’œuvre s’intéresse à la paix pour monter une exposition collective, et comment elle avait décidé de s’engager dans une thèse de doctorat en philosophie pour comprendre ce qui nous empêche, individuellement et collectivement, de représenter et de penser la paix, ce fût le déclic. Le dispositif participatif mis en place pour « Les arts sont toujours premiers » était en cours et le reconduire pour explorer à notre manière le sujet de Barbara était une évidence, une nécessité.

Imagine Peace

Il suffit d’en appeler à nos souvenirs pour constater que la paix est souvent traitée en creux de la guerre, que la peinture de guerre a été érigée en genre, qu’il existe des photographes de guerre et un nombre incommensurable d’œuvres en témoignant. Qu’elle soit mythologique, historique ou de science-fiction, la guerre est partout dans les bibliothèques, cinémathèques, répertoires musicaux, musées, et autres lieux d’enseignement et de culture. Même si nous avons tous en tête un exemple d’artiste professant la paix – je pense à l’instant à Yoko Ono et son initiative Imagine Peace, par exemple –, nous devons constater que la guerre est au cœur du vocabulaire, des cultures et des arts. De par l’histoire, les communautés humaines fondées sur la paix et la respectant à tous égards se comptent sur les doigts d’une main, ou presque. Comment analyser cette réalité ? Faut-il pour représenter et penser la paix le faire systématiquement en contrepoint de la guerre ? Peut-on déployer une pensée et des représentations autonomes sur et pour la paix ?

La colombe se sent seule

Depuis l’aube de l’humanité, la guerre s’est imposée comme un motif central des productions artistiques : images de batailles, de conquêtes et de destructions. Si l’homme a su figurer le conflit avec force et précision, allant jusqu’à l’éloge, il n’a que rarement pensé la paix comme un objet esthétique à part entière. Cette carence iconographique révèle une difficulté plus profonde : celle d’imaginer la paix autrement que comme une simple absence de guerre. La peinture d’histoire, la propagande, tout comme régulièrement l’art contemporain, déploient une fascination pour la guerre et la violence, ou tout du moins s’ingénient à les montrer, les rendre regardables, tandis que les tentatives de représenter la paix demeurent souvent allégoriques, voire anecdotiques. La colombe peine à trouver une relève, à faire des émules.

Le sens de la paix

Pourtant, en l’absence de formes plastiques suffisamment élaborées, la paix reste un concept abstrait, privé de pédagogie visuelle. Il est donc impératif de doter ce champ d’une véritable grammaire plastique, non pour nier la guerre, mais pour proposer des représentations alternatives capables d’influencer les imaginaires collectifs dans le sens de la paix. À une époque marquée par des conflits persistants et la peur omniprésente d’en voir d’autres se déclencher, l’art a la responsabilité de donner à voir des formes qui enseignent la réconciliation, la coexistence et la résilience. Il ne s’agit pas d’idéaliser un état hypothétique, mais de lui conférer une substance, une matérialité qui permette d’en saisir les enjeux. Loin d’être une utopie naïve, penser la paix par l’art est un acte critique et nécessaire pour inventer un autre rapport au monde.

Pour célébrer ses 16 ans, ArtsHebdoMédias déclare donc ouverte une année de festivités textuelles sur le thème :

« Représenter et penser la paix ».

Ainsi, nous allons au fil des mois vous donner à déguster la pensée de seize personnalités, artistes, écrivains, universitaires, scientifiques, poètes, peut-être, autour de ce sujet crucial et passionnant. Chaque texte sera estampillé et tous rassemblés au bout du compte dans une publication anniversaire.

Les lecteurs d’ArtsHebdoMédias sont invités à s’associer à ce stimulant projet, en nous faisant parvenir quelques lignes, un dessin commenté ou une image, témoignant de ce que leur inspire cette thématique (aucune image de guerre ne sera retenue) : laredaction@artshebdomedias.com

Nous veillerons à intégrer vos messages dans nos festivités.
N’oubliez pas de signer ! Prénom, nom et qualité.

L’ouvrage « Les arts sont toujours premiers » est sorti. Il sera prochainement disponible à l’achat en ligne.

Les arts sont toujours premiers, ArtsHebdoMédias, 2025. 20 euros.

Image d’ouverture> Peace is the Dream of a Shared Human Soul That We Build Every Day with Forgiveness and Kindness and Hope. ©Robert Montgomery, courtesy Analix Forever