C’est un autodidacte qui, s’il a toujours dessiné, s’est d’abord dirigé vers des études agricoles et forestières, puis a exercé différents métiers liés à la nature, la préservation de son équilibre, son développement raisonné, et à l’écocitoyenneté, avant de décider, il y a une quinzaine d’années, de servir autrement ces thématiques en embrassant une carrière d’artiste. « J’aime tout, confie Thierry Barré, sculpture, peinture, photo, musique, cinéma, littérature. J’aime tout et je crois en tout. Je suis aussi hypnotisé par l’eau, que ce soit celle de la mer, d’un étang ou d’une rivière. » Il fallait bien qu’un jour, et pour de vrai, des poissons pointent le bout de leur nez dans l’histoire. La première fois, il ramène dans son atelier « du maquereau, du merlu, de la truite et une tête de thon ». Le sang qui s’écoule doucement des corps inertes et se mêle à l’encre du croquis, l’aspect « métallique et lisse » de la peau, le fascinent et l’interpellent. Non pas en vertu d’une quelconque fascination morbide pour les chairs figées, mais mû par un très affectueux respect pour la nature, par un questionnement sans cesse renouvelé de nos origines, de notre évolution. Sa démarche, d’abord largement expérimentale, prend soudain tout son sens, lorsque l’homme adjoint au poisson… le poulet ! « Un corps de poulet avec une tête et une queue de poisson, ça donne une créature étrange qui ressemble à un dinosaure, explique-t-il. Plus précisément à un Raptor et c’est bien normal, les derniers dinosaures sont les oiseaux. Quand j’ai compris cela, j’avais un début d’explication sur mon travail : l’origine, la vie, l’homme, la fameuse chaîne de l’évolution darwinienne, l’eau, la cellule, le poisson, le poisson-poulet, l’homme. »
Curieux et touche-à-tout, Thierry Barré travaille le métal qu’il récupère, sculpte le bois, dessine et peint sur toile ou sur papier, affectionne aussi la photographie. Spontané et insolent, il manie le langage de l’humour et de l’étrange pour inventer un univers insolite, peuplé de créatures hybrides et fantastiques, échappées pour certaines d’un classicisme d’un autre temps. Il parvient surtout à contourner l’écueil du macabre pour nous entraîner à sa suite au royaume des poissons-poulets, d’où il nous livre son « regard sur l’humanité, et l’incompréhension qui domine » et son « étonnement sur les hommes, qui virevoltent avec leur ego au milieu de 7 milliards d’autres. C’est l’admiration et l’effroi. »