Arles – L’étincelant aluminium froissé de Gehry

Arlésienne de cœur, richissime héritière d’un grand groupe pharmaceutique (Roche, un géant qui emploie 80 000 personnes), la Suissesse Maja Hoffman est de l’étoffe des Peggy Guggenheim, des grandes aventurières éclairées de l’art. Avec un investissement de l’ordre de 100 millions d’euros, Maja et sa fondation Luma, créée en 2005, à Zurich, s’apprêtent à offrir un étincelant joyau à Arles. Elle a demandé à l’un des plus prestigieux architectes du monde, Frank Gehry, l’iconoclaste concepteur du musée Guggenheim de Bilbao, de créer sur les anciens ateliers de la SNCF, un époustouflant projet culturel. Deux hautes tours (la plus haute s’élèvera à 56 m) en blocs d’aluminium froissés, compactés ; aux portes de la Camargue, elles doivent défier les nuages qui courent au-dessus du Rhône et capter, entre formes rondes et aspérités, cette lumière si intense qu’elle brûla Van Gogh.

Ce futur Centre de l’image dans un parc de 11 hectares doit accueillir, outre le siège des Rencontres d’Arles, un Centre international de la photographie et de l’image, l’Ecole nationale supérieure de la photographie et les éditions Actes Sud. Des cinémas, des commerces, des résidences et projets d’artistes, des lieux de débats, d’expositions ainsi qu’un centre d’archives. Un paysagiste inspiré s’est inscrit dans une vision qui sans renier la ville chargée d’art et d’histoire, épouse la nature âpre du pays. Concrétisé, ce somptueux dessein fera d’Arles non plus la seule ville des Rencontres et des arènes, fût-elle inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, mais transformera l’antique cité en un « lieu de référence et de rayonnement » selon le vœu de Maja Hoffmann.

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Vues LUMA/Parc des Ateliers, 2010

Reste à négocier l’acquisition des trois hectares de la friche en question, vaincre sans doute quelques réticences, et affronter parfois l’impéritie des uns ou la passivité des autres. Mais notre mécène est plus qu’une enfant du pays ; elle en connaît les mœurs et les coutumes comme les chausse-trapes. Elle y a même, entre New York, Londres ou Zurich – où elle s’est investie dans les plus prestigieuses institutions de l’art –, trouvé ses racines. Son père, Luc Hoffmann, tirait sa révérence aux fameux labos dès 1947 et achetait en Camargue un domaine de 2 500 hectares qu’il transformait en centre de recherche sur les zones humides. Cofondateur du World Wildlife Fund (WWF), il s’est battu pour préserver le pays des promoteurs. Bon sang ne saurait mentir et Maja offre aujourd’hui à Arles ce que son père offrit naguère à la Camargue : en 2000, elle a ouvert le premier restaurant bio de la région – désormais étoilé au Michelin. Elle cultive le premier riz bio camarguais, et crée un groupement de producteurs biologiques. Membre du conseil d’administration des Rencontres, elle tient avant tout à ce que sa fondation serve à découvrir plutôt qu’à confirmer des talents, et si « nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves », les siens sont de ceux dont on a envie de rêver.

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