Présentée à l’occasion de Lille Art Fair, qui se tient jusqu’à dimanche soir dans la capitale des Flandres, l’exposition NorevOver rassemble une quinzaine de photographes et vidéastes européens et chinois*, ayant en commun de questionner de nouvelles perceptions du réel : celles engendrées par le recours aux technologies numériques et par le vaste champ de création qui leur est inhérent.
« Le titre de l’exposition renvoie à ce qu’il est possible de développer grâce aux nouvelles technologies. Celles-ci ne doivent pas tant être utilisées pour rêver, fantasmer, que pour ajouter du sens à la part de réel qui est dans la photographie », explique à un visiteur, séduit et intrigué par les grands formats environnant, Ludovic De Vita, l’un des initiateurs du projet NorevOver. Lorsqu’il s’envole en 2005 pour la Chine, le jeune plasticien – aujourd’hui photographe, vidéaste et peintre – est à la recherche d’un environnement culturel inédit, de nouvelles sources d’inspiration. Huit ans plus tard, il y est installé et marié. Avec sa femme, Wang Lingyun, ils habitent Songzhuang, une banlieue située à l’est de Pékin et devenue une cité d’artistes. Ils ont créé l’association Co-existences et la ON gallery, destinées à promouvoir des artistes – français et internationaux – et à développer des relations culturelles, notamment en Asie, à travers l’organisation d’événements. Conçue en collaboration avec L’entre prise – structure de production et de diffusion artistique installée à Paris –, NorevOver est une exposition itinérante qui met en regard le travail de photographes et vidéastes chinois et français, ou résidant en France. Tous s’appuient sur le numérique pour interroger le réel, jouant à le mettre en scène ou l’entremêlant subtilement à leur propre imaginaire, et inviter le spectateur à pénétrer un monde virtuel empreint d’une réalité nouvelle. Celui de François Ronsiaux, par exemple, s’inspire d’une recherche sur les différentes expressions des théories du complot (28e parallèle, 2006-2012). Il livre ainsi sa vision de la planète, contrôlée par cinq individus supposés au-dessus des lois et des frontières géopolitiques, que tentent de contrecarrer « les guides » d’un nouvel ordre politicospirituel. Ses images, peuplées de ces mystérieux personnages vêtus de blanc de la tête aux pieds, déroulent un récit évoquant aussi bien George Orwell que Philip K. Dick.* Participent à NorevOver : Jean-Pierre Attal, Dominique Clerc, François Ronsiaux, Nicolas Wilmouth, Vincent Debanne, Mihaï Grecu, Hugo Arcier, Liu Bolin, Li Wei, Chen Jiagang, Zhu Ming, Li Yu & Liu Bo, Miao Xiaochun et Zhang Xiaotao.

Engagés dans une forme de reconstruction très personnelle du réel, Li Yu et Liu Bo racontent eux aussi des histoires, toutes vraies : le duo chinois s’inspire en effet de faits divers et de société relevés dans les journaux pour bâtir leurs singulières mises en scènes photographiques, titrées à la manière des articles de presse (Old Widow’s House Turns into a Junk Nest, 2007). Liu Bolin, lui, continue de jouer l’« homme invisible » et de se fondre dans les inombrables décors de son projet Hide in the City, né de son observation de la société chinoise contemporaine, ébranlée depuis le début des années 2000 par les conséquences d’une libéralisation galopante. Performance et photographie sont également caractéristiques de la démarche de Li Wei, créateur de situations pour le moins étranges, souvent irrationnelles, toujours portées par un désir d’apesanteur, comme pour témoigner d’une volonté d’échapper à notre condition.
Au centre de l’espace d’exposition, quatre vidéos numériques sont diffusées en boucle, qui ont pour thème l’homme, la spiritualité, ou encore notre rapport à l’environnement. Parmi elles, Restart (2008-2010) de Miao Xiaochun propose une réflexion sur la vulnérabilité humaine, accentuée selon l’artiste tant par la philosophie que la foi religieuse. Avec une poésie infinie, il dessine un monde qui n’en finit plus de se construire et de se détruire, illustrant cette forme d’enchaînement perpétuel entre la vie et la mort, véritable hymne, finalement, à l’humanité en marche. Virtuelle, la beauté n’en est pas moins ici plus que jamais porteuse d’espoir.