« Le vocabulaire que j’utilise se veut universel. Il vient rappeler toute la beauté et la force de la nature au sein de laquelle nous vivons, où nous évoluons, accompagnés tout le long par la force et l’énergie de nos ancêtres, de nos dieux et de nos rêves. Avec eux, nous formons un tout. » Peuplées de personnages aux lignes anthropomorphes, d’animaux et objets familiers ou sacrés et de créatures hybrides, les toiles, sculptures, installations et performances de Manuel Mendive nous entraînent au cœur d’un univers foisonnant, empreint de magie et de mystère. Un monde qui prend source dans les origines mulâtresses de l’artiste, dont la famille, comme tant d’autres à Cuba, a toujours conservé le culte des dieux, ici Yoruba, importé par ses ancêtres. Ceux qui, débarqués des navires négriers, n’avaient pour seuls refuge et repère que la puissance de leurs traditions et religions, qu’ils ont su perpétuer tout en les adaptant à leur terre d’adoption. De ce métissage culturel est née la Regla de Ocha – également appelée Santería –, une religion dans laquelle baigna l’enfance de l’artiste et qui continue d’imprégner son quotidien comme son activité créatrice.
« Les traditions africaines, qui ont tellement influencé notre culture, ont toujours été au centre de ma démarche. Elles sont d’ailleurs devenues pour moi un véritable mode d’expression, le seul me permettant de parler de mon vécu. » Epopées divines et modestes histoires d’hommes – souvent celles de ses proches, voire de lui-même – se fondent ici dans un creuset commun et dialoguent entre elles dans une mise en scène onirique et poétique. S’appuyant sur un vocabulaire plastique qu’il ne cesse d’enrichir depuis maintenant près de cinquante ans, Mendive déploie sa verve de griot au fil du pinceau comme au tranchant de son burin de sculpteur. Il se fait conteur de légendes et de mythes ancestraux, enrichis de ses propres réflexions sur la vie et la mort, le bien et le mal, la vérité et le mensonge, une dualité récurrente matérialisée par des jeux de couleurs et de lumières tour à tour sombres, calmes, chaudes ou vives.
« Les thèmes centraux de mon travail sont l’amour, la paix, la compréhension et cette notion d’unité qui nous lie les uns aux autres, expliquait-il lors de l’ouverture de son exposition à Mexico, fin janvier. Dans la vie, il y a du gris, mais j’essaie de rappeler qu’il y a aussi du violet, du rose et du bleu, que s’il est parfois difficile de vivre, il faut garder espoir. »
En célébrant l’héritage des anciens, ses œuvres assument un devoir de mémoire et de transmission. Chacune devient un acte de résistance au renoncement comme à l’oubli, qui, inéluctablement, lui fait écho.