L’ambiance est feutrée au salon du dessin contemporain. Les visiteurs se glissent sans bruit d’un espace à l’autre, quelques réflexions secouent de temps en temps la torpeur qui a envahi la place. Peu de monde en ce jeudi après-midi entre nuages et éclaircies, mines sérieuses et sourires timides. Le dessin a l’élégance le plus souvent d’être subtil, de se faire discret et même de s’abandonner au rêve, mais il sait aussi être drôle, pourfendeur et provocateur. Si d’aucuns se promènent à la recherche de l’artiste tant apprécié, du galeriste réputé, d’autres fouinent, regardent, s’éloignent, reviennent en un ballet original, celui de la quête de l’œuvre encore inconnue dont le souvenir persistera bien au-delà des sous-sols du Louvre. Dessins de Paul Pouvreau réalisés@ pour la galerie Les Filles du calvaire@ au salon du dessin contemporain 2010, web_SalonPouvreau.jpg
Sur le mur tendu de tissu blanc, sept dessins composent un récit qui échappe à la compréhension mais s’impose à l’œil : un bateau s’enfonce dans une mer déchaînée, une femme teste une machine non identifiée, un boxeur mis à mal s’effondre, deux personnages tournent le dos à une antenne dressée vers le ciel, un homme tout de blanc vêtu court après des poules… « Le principe de l’accrochage fait partie de l’œuvre », explique Paul Pouvreau qui se refuse à donner d’autres titres à ses œuvres que point doc. (les quatre couleurs). L’artiste, connu pour son travail photographique, expose ici pour la première fois des dessins. Une discipline qu’il a toujours entretenue, « histoire d’anticiper, de prendre le temps de la réflexion ». Mais jusqu’à présent, il n’avait rien montré. Il faut dire que ce travail particulier n’est pas né d’une idée fulgurante mais s’est peu à peu dégagé d’une conjonction de pratiques et de réflexions. Evoquons en premier lieu une collecte d’images entamée il y a longtemps qui ne demandait qu’à dépasser son but originel. « Je prélève en permanence des documents photographiques dans des supports les plus divers pour constituer une sorte de bibliothèque d’images liées à l’actualité. Même quand elles sont extraites d’un catalogue, ces dernières témoignent d’un usage de la photographie et sont représentatives de la façon dont on les utilise. »
L’artiste qui s’intéresse depuis toujours à leur statut et au rapport que nous entretenons avec elles, a eu l’idée d’en choisir certaines emblématiques selon lui de cette relation et de les reproduire au stylo quatre couleurs sur des pages du quotidien Le Monde. Pour réaliser ce projet, né il y a deux ans, il lui a fallu tout d’abord maîtriser le mythique accessoire. Lui retirant sa « coque », il s’est emparé des quatre mines pour qu’elles agissent en simultané. « Au début, je n’avais aucune idée du résultat que j’allais obtenir. J’ai même jeté les premiers dessins. » Une fois le format décidé (une double, deux doubles ou quatre doubles), Paul Pouvreau choisit une image dans sa collection. Si elle doit être esthétique, il faut également qu’elle entre en résonance avec la feuille de journal de manière directe ou de façon plus voilée, voire subversive ; peu importe, le choix n’est jamais laissé au hasard. Posée de manière à être consultable à tout moment, elle est l’exemple. Elle sera reproduite fidèlement. Des marques répétées du stylo émerge peu à peu le dessin. « Pendant un certain temps, le sujet que je réalise n’est pas visible. Les couleurs montent progressivement comme celles d’un tirage photographique plongé dans un révélateur. Le quatre couleurs possède les mêmes couleurs primaires que celles utilisées en photographie : le rouge, le vert et le bleu. Ce rapport entre les deux pratiques m’intéresse. » Les images se juxtaposent, s’apprivoisent et se fondent les unes dans les autres. Le bourdonnement des mots imprimés perd de son intensité au fur et à mesure que le regard prend du champ. Toute l’actualité s’efface devant une image laissée à l’imagination de chacun ; mais l’image qui colle à notre rétine est-elle conforme à la réalité, ou d’autres images anciennes se sont-elles subrepticement glissées et imposées pour brouiller les pistes ? Quant aux couleurs, elles aussi disparaissent au profit de l’ensemble. Accrochés côte à côte, les dessins forment un singulier livre d’heures des soubresauts du monde. S’ils ne sont que seize aujourd’hui, l’artiste envisage d’ajouter encore de nombreuses pages à son œuvre. Autant qu’il y a de jours dans une année.Dessin de la série point doc.@ (les quatre couleurs), Paul Pouvreau, 2008-10
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