Organisée en parallèle avec la Biennale d’art contemporain de Lyon qui met en résonance les institutions de la métropole sur le thème d’une modernité plus ou moins désenchantée (jusqu’au 3 janvier 2016), Docks Art Fair, foire dédiée à la scène artistique émergente, entérine pour sa 5e édition le concept du solo show. Débutée le 10 septembre, la foire se poursuit par une exposition vente jusqu’au 4 octobre.
Installée depuis deux ans dans le nouveau quartier de la Confluence, à quelques enjambées de la Sucrière sur le quai Rambaud en bord de Saône, Docks Art Fair a été imaginée dans le sillage de la Biennale. « J’avais envie de créer une foire d’art contemporain dédiée à la scène artistique émergente, plus intime pour les galeristes et le marché lyonnais », explique Patricia Houg, sa directrice. Sur les deux premiers étages de l’impressionnante architecture d’acier et de verre du groupe GL-Events, conçue par l’architecte Odile Decq, vingt et une galeries venues de toute la France mais aussi du Brésil, de Suisse, de Belgique, d’Allemagne ou d’Espagne y déploient et défendent les œuvres d’un artiste de leur choix. Toutes disciplines et matières – peinture, sculpture, céramique, dessin, photographie, vidéo, ou macramé, plume, laine, papier, branches, etc. – sont représentées. Entre photographie et dessin, les aquarelles noir et blanc du bosniaque Radenko Milak attirent l’œil par la singularité de leur rendu et la mémoire médiatique qu’elles sollicitent : inspirées de la scène iconique d’un film ou d’une situation politique emblématique du XXe siècle, elles sont autant d’arrêts sur image, témoins de l’histoire de notre monde moderne. « A 35 ans cet artiste prolifique vient de sortir un livre : 365 – publié en 2014 par Walther König – dans lequel il consigne un dessin historique par jour réalisé à l’aquarelle », explique Christopher Yggdre, de L’agence à Paris,qui représente l’artiste sur la foire, au même titre que la galerie Duplex100m2 de Sarajevo. Comptez 1 700 euros pour le dessin Carmen, une scène empruntée au film de Jean-Luc Godard (Prénom Carmen) réalisé en 1983.
Mises à part une large sculpture murale en aluminium et encre (Liminal relief) d’Alain Goulbourne, accrochée par la galerie Virginie Louvet, et les créatures en céramique de Marlène Mocquet et leurs ventres béants, présentées par la galerie Laurent Godin, la plupart des œuvres sélectionnées sont à taille humaine, à des prix abordables et tendent à produire une vision plus intimiste de l’art actuel que les pièces contemporaines données à voir par les sites officiels de la Biennale. Quelques œuvres résonnent pourtant avec la même désillusion contenue dans la thématique choisie cette année. Les clichés flous ou curieusement cadrés du Camerounais Patrick Wokmeni, reflet de la vie nocturne de New-Bell, quartier populaire de Douala – sa ville natale –, saisissent sous forme de statut quo les moments simples d’une vie marquée par la dureté de l’environnement, l’angoisse et la prostitution. Plus loin, dans l’espace de la galerie White Project, les étonnantes miniatures de Talwst mettent en scène des épisodes de l’histoire gravés dans l’ADN d’une nation ou d’un peuple comme autant de blessures et de luttes liées à la conquête de nouveaux mondes.
A la fois ironique et racoleuse, l’impression d’une paire de fesses exhibée sur la façade du building et surtitrée Hiking ! Colombian (without) Apparel va au-delà du clin d’œil fait à la marque de sous-vêtements sportifs à la mode. L’artiste,David Rodriguez, vous expliquera que ce « cul habillé d’un string » n’est autre que le sien, comme un « selfie » pris dans le miroir, où il se met dans la même posture, ou presque, que les modèles qu’il a dessinés au fusain. Homme ou femme ? Allez savoir ! Ici, point de relation de pouvoir ! D’ailleurs, ce sont les culottes qui fascinent l’artiste formé aux Beaux-Arts de Nancy, tout juste rentré d’une résidence à Shanghai, où il a réalisé une série de dessous suspendus aux cordes à linge d’une ville en plein chantier. Alors que la petite culotte demeure un objet de fantasme et de désir tenu secret, le slip – par sa formulation – nous renvoie collectivement, peut-être, à une condition humaine partagée. Le Point fort (près de Strasbourg), qui représente l’artiste, aime sa façon de jouer avec les paradoxes et de réinjecter de l’érotisme dans l’art.La directrice de la foire, elle-même galeriste, sait bien que partout – y compris à Paris –, le public non initié a du mal à pousser la porte d’une galerie. Docks Art Fair se donne pour mission d’engendrer le premier pas ; des médiateurs répondent au public avec pédagogie et convivialité. Georges, le « Drôle de magazine pour enfants », basé à Lyon, convie même les petits de 7 à 12 ans – avec ou sans leurs parents – à une visite guidée de la foire, le dimanche 4 octobre à 11 heures. Ils apprécieront sans doute, comme les grands, le monde enchanté de Marcin Sobolev à qui fut décerné cette année le premier prix Docks Art Fair « Entreprendre pour l’art » par leCIC Lyonnaise de Banque, permettant de financer un prochain projet initié avec la galerie Louis Gendre, basée à Neuilly-sur-Seine et à Chamalières. Amateurs d’art contemporain à vos marques, ce sont les derniers jours !