Un dimanche à la galerie, c’est demain ! Mais dès aujourd’hui, vous pouvez profiter des expositions concoctées par les 120 galeries qui participent à l’événement. A Paris, elles sont nombreuses tant à Belleville, que dans le Marais ou à Saint-Germain-des-Près. Autant dire qu’il vaut mieux être équipé d’une bonne paire de chaussures pour se lancer dans l’aventure ! ArtsHebdoMédias a joué le jeu. Après 14 kilomètres à pied et quelques trajets en métro, voici une sélection complètement subjective de galeries, augmentée de quelques autres propositions accessibles ce week-end. Amusez-vous bien !
Le ciel est blanc et le pavé froid. Paris s’éveille. Dans trois jours aura lieu Un dimanche à la galerie. Organisé par le Comité professionnel des galeries d’art, l’événement est destiné à inviter à pousser les portes de ces établissements privés qui demeurent encore inaccessibles dans l’esprit du grand public. Il est pourtant passé le temps où votre bonjour restait suspendu dans un silence de cathédrale et votre potentiel d’acheteur évalué d’un regard distant ! L’arrivée d’une nouvelle génération de galeristes et la transformation du marché de l’art, notamment poussée par les technologies numériques, ont obligé les galeries à faire évoluer leur métier et à évangéliser en dehors des cercles de collectionneurs traditionnels. Depuis bien des années maintenant, elles ont multiplié les initiatives (vernissages en commun, organisations de conférences, de concerts, participation à des salons alternatifs…) pour se rendre à la fois plus ouvertes et plus attrayantes. Ainsi est né à Paris Un dimanche à la galerie, dont la vocation affichée est d’inviter tout un chacun à « profiter de la programmation riche et variée de ces lieux accessibles gratuitement toute l’année ». Mettant ainsi l’accent sur le potentiel culturel de ces structures privées. Pour sa cinquième édition, la manifestation dépasse le périmètre de la capitale et se lance en région. Ainsi, des galeries à Clermont-Ferrand, Lille, Lyon, Marseille, Nançay, Nice, Rennes, Saint-Paul-de-Vence, Sauve et Senlis s’inscrivent également dans la démarche. Mais revenons sur le terrain choisi : Paris.
A la galerie Mingei, Philippe Boudin est intarissable. Spécialiste de l’art japonais, il explique notamment comment la vannerie de ce pays est devenue un art et rappelle avec enthousiasme l’exposition Fendre l’air organisée il y a peu par le Musée du quai Branly-Jacques Chirac. Dans la galerie, des objets-sculptures signés Yonezawa Jirō, Morigami Jin ou Tanabe Chikuunsai IV, tous passés maîtres dans leur discipline. Le regard s’arrête sur trois pièces d’un rouge inoubliable. Maîtriser la laque est aussi important que posséder le talent de tresser. La conversation va bon train. Il est désormais question d’ikebana (pratique japonaise d’arrangement floral). Rare sont les sociétés qui, comme au Japon, ont cherché avec autant de pugnacité la manifestation de la beauté dans les gestes du quotidien.
A la galerie Ségolène Brossette, les images de Christophe Beauregard racontent bien des histoires. Comme un condensé, l’exposition propose de découvrir les séries les plus emblématiques de l’artiste réalisées depuis 1993. Au mur, un clown, pistolet sur la tempe, arrête l’œil. Représentant de la série Pinder, le cliché marque un goût prononcé pour la mise en scène. Sorti de la piste aux étoiles, photographié en noir et blanc, le personnage est privé de ses habituels artifices, comme sommé de dévoiler son vrai visage. Sur chaque photographie, un homme, une femme, un enfant, s’offrent et se dérobent. Le corps, l’identité, les codes, les apparences sont autant de sujets abordés par l’artiste. Au détour d’une phrase, le visiteur apprend que la galerie n’a que quelques mois d’existence bien que sa propriétaire possède une solide expérience. Alors, même si la porte grince un peu, n’hésitez pas à la pousser.
Miguel Chevalier met en orbite Beaugrenelle
L’art pousse partout ! Depuis 2015, Beaugrenelle invite ses clients à découvrir des créateurs contemporains. Après le plasticien Felice Varini, le designer végétal Alexis Tricoire et le photographe Martin Parr, c’est au tour de Miguel Chevalier d’investir les lieux. Dans l’atrium, l’artiste déploie une œuvre monumentale réalisée spécialement pour l’occasion. Reprenant les ellipses dessinées par les différents étages du shopping center, les neuf anneaux d’Orbites 2019 forment une cascade colorée de 14 mètres sous le toit en verre. Grâce aux 7000 leds les recouvrant et au logiciel écrit par Claude Micheli, différentes chorégraphies lumineuses et colorées sont exécutées en temps réel. Au niveau -1, une seconde installation est présentée. La Table des Convivialités propose différents paysages géométriques et interactifs que les visiteurs sont invités à faire évoluer d’un geste de la main. Visibles des étages supérieurs, les tableaux se succèdent en des variations infinies comme autant de promesses d’un art à jamais renouvelé. Ne pas hésiter par ailleurs à consacrer quelques minutes aux vidéos qui tournent en boucle à deux pas de l’œuvre participative, elles témoignent de divers projets plus anciens de l’artiste et notamment d’installations monumentales dans l’espace public ou dans des bâtiments patrimoniaux. Bluffant !
Miguel Chevalier – Orbites 2019, jusqu’au 7 novembre, Beaugrenelle Paris, 12, rue Linois 75015 Paris. Du lundi au samedi de 10h à 20h30 et le dimanche de 11h à 19h.
Maintenant, entrez dans le mouvement ! A la galerie Lélia Mordoch, les œuvres se présentent sous le titre Cinétisme, abstraction, figuration. Chaque pièce propose une expérience visuelle étonnante à l’esthétique singulière et reconnaissable. Il y a l’écriture abstraite et vibrante de L’Atlas, les sculptures murales asymétriques de Jose M. Arellano, les jeux de perspective de Pierre Hughes, les fleurs génératives de Miguel Chevalier, les paysages géométriques de Francisco Sobrino ou encore les pièces lumineuses d’Alain Le Boucher. L’ensemble forme un accrochage joyeux et intrigant qu’il serait dommage de manquer.
A quelques pas de là, la galerie A2Z fête son anniversaire. Répartie sur trois étages, une sélection d’œuvres revient sur la programmation des 10 ans écoulés depuis son ouverture et illustre le dialogue établi dès l’origine entre les cultures, les générations, les médiums. Il faut prendre son temps pour explorer les différents espaces et s’attarder sur les propositions des 25 plasticiens, photographes, sculpteurs et performeurs invités. Le buste d’une femme au long cou sort d’un socle blanc et se double dans un miroir, une sculpture murale en ciment et quatre pièces renferme une flamme vacillante, une toile sert de terrain de jeu à un Pikachu prêt à bondir… Rien de convenu dans cette sélection qui ose l’éclectisme. A signaler, un coup de cœur pour le travail de la plasticienne chinoise Bu Hua et notamment son film d’animation LV forest.
A ce point-là du parcours, il est raisonnable de traverser la Seine si vous souhaitez avoir une chance de découvrir quelques-unes des propositions de la rive gauche. Il faut lever le pied bien haut pour franchir la porte qui donne sous le porche au 57 rue du Temple. N’hésitez pas, malgré d’évidents travaux la galerie Max Hetzler est bien ouverte. Elle présente jusqu’au 31 octobre une exposition monographique de Giulia Andreani. Innervées par l’histoire politique et social, et plus particulièrement celle du féminisme, ainsi que par l’histoire de l’art, les toiles de l’artiste, née à Venise et installée à Paris, proposent à la fois une réflexion sur la peinture et une lecture de l’actualité. Au mur, une chienne de combat en dit long sur les préoccupations de la peintre.
L’hommage à son arrière-grand-père de David Templier
Sur des plages à perte de vue, l’œil distingue quelques infimes promeneurs tandis que la lumière et le gris du Nord façonnent l’horizon. Installés dans des cadres en bois, les petits formats obligent le visiteur à s’approcher pour mieux cerner le sujet. Désormais à quelques centimètres, il arbore une mine perplexe puis séduite : en fait de peinture, ne voit-il pas de la photographie ? Connu pour ses paysages extrêmes, tant naturels qu’urbains, le photographe David Templier célèbre ici son arrière-grand-père, Charles Roussel, dont le pinceau sublima lui aussi la côte d’Opale. Au mur, les tirages sur papier à grain viennent se mesurer à de petites huiles encadrées de manière identique. L’illusion et la proposition sont réjouissantes. Dans quelques mois, c’est au Musée de Berck-sur-Mer que les paysages photographiés et peints se donneront la réplique. Fil tendu entre les générations.
Opalescences, jusqu’au 19 octobre, galerie Christophe Gratadou, 12, rue de Thorigny 75003 Paris.
Porté par l’enthousiasme, il vous reste encore le temps de foncer à la galerie Charlot, qui saura vous surprendre. Toutes les œuvres de Sound vibes ont à voir avec le son. Réunissant les travaux de six artistes, l’exposition plonge dans un périmètre peu connu de la création contemporaine à travers des pièces triées sur le volet. S’il faut choisir, évoquons Poetic Equations #2 de Katharina Zimmerhackl et Argo de Jacopo Baboni Schilingi (notre photo d’ouverture). La première est une partition de 13 minutes basée sur des enregistrements mécaniques de crises et de tremblements de corps hystériques. Chantée, elle rend sensibles les données collectées. La seconde, présente dans l’exposition Artistes & Robots (présentée en 2018 au Grand Palais), s’offre ici une version d’autant plus remarquable qu’elle apparaît directement sur le large mur du sous-sol de la galerie. Visuelle et sonore, l’œuvre traduit en temps réel les informations liées à la respiration de l’artiste, transmises par des capteurs qu’il porte à longueur de temps. Mais peu importe la technologie, l’essentiel est de se laisser captiver par l’esthétique de cette œuvre qui respire la vie.
Fin de l’exercice, qui vous l’aurez compris possède bien des limites : l’exhaustivité est d’emblée impossible et le choix cornélien en diable. Une certitude toutefois, le bonheur réside dans la surprise. Un dimanche à la galerie est une formidable incitation à bouger. Si l’événement ne se produit qu’une fois par an, il peut être renouvelé individuellement à l’envi. En quadrillant méthodiquement chaque quartier ou en usant de la technique du saut de puce, chacun peut s’offrir l’équivalent d’une petite biennale chaque week-end. Mais non… Ce n’est pas exagérer !
Pause street art chez Fluctuart
Tout le monde en parle ! Fluctuart, le premier centre d’art urbain flottant in the world a ouvert ses portes dans la capitale cet été. Installé à deux pas de l’esplanade des Invalides, sur les quais de Seine, le bâtiment de 1000 m2 et trois niveaux accueille des expositions temporaires, une collection permanente (Dran, Maxime Drouet, Invader, JR, Quik, Rammellzee, Rero, Vhils…) une librairie spécialisée, des ateliers créatifs et autres rencontres. Les amateurs de street art sont aux anges. Inutile de galoper à travers le monde pour retrouver leurs artistes préférés. Sans compter que l’entrée et les visites commentée sont gratuites. Il règne sur ce « bateau » une ambiance décontractée. Personne de vous demande ce que vous voulez, mais tout le monde est disponible. On se sent libre d’emblée. Au rez-de-chaussée et à l’étage, il est possible de prendre un pot et/ou de grignoter un morceau. Mais le plus important reste de découvrir la rétrospective de Swoon. L’artiste newyorkaise y présente, jusqu’au 22 septembre, 20 ans de travail dont le résultat de sa résidence sur Fluctuart. Connue pour ses personnages de papier collés à même les murs des villes, elle déploie ici différentes techniques pour mieux attirer l’attention sur certaines communautés fragilisées. A noter l’organisation, ce vendredi 27septembre à 19 h, d’une rencontre avec la chercheuse et critique d’art allemande Larissa Kikol autour de son livre Graffiti Now. Esthétique de l’illégal, paru cette année chez Kunstforum International.
Fluctuart, pont des Invalides, 2, port du Gros-Caillou 75007 Paris. Ouvert 7j/7 de 12 h à minuit. Le dimanche de 11 h 30 à minuit.
L’art contemporain se distingue à la Biennale Paris
Sous la verrière du Grand Palais de larges allées aérées séparent des espaces de présentation au look très sage. L’ambiance est feutrée et l’accueil souriant. Parmi les peintures, coffrets, faïences et autres objets d’art appartenant aux siècles passés, des galeries mettent en avant la création actuelle : la Biennale Paris, anciennement des antiquaires, est en plein renouvellement. Pour l’amateur d’art contemporain, la visite se transforme en chasse au trésor. Dans ses filets, il attrapera en priorité un étonnant requin. Présenté par Stéphane Jacob (stand B27), la bête réalisée en filets de pêche récupérés sur les plages du Grand-Nord australien attire l’œil autant que l’attention sur la situation dramatique de certaines mangroves étouffées par les filets fantômes et, de manière plus générale, sur la fragilité des écosystèmes mis à mal par les déchets industriels. Autour de cette pièce, de nombreuses autres œuvres d’art aborigène et insulaire du détroit de Torres. Autre belle découverte : l’espace de La patinoire royale – Galerie Valérie Bach (A13). Aucune pièce ici ne laisse indifférent. Tant le splendide assemblage de lin, feuilles d’or et d’argent de l’artiste colombienne Olag de Amaral, que les objets fantasques et épurés en fil de cuivre de l’Anglaise Alice Anderson ou encore les magnétiques propositions colorées en plexi thermoformable moulé de la Canadienne Gisela Colon. A noter, pour finir et faire court, que la maison de champagne Ruinart accueille une part de Racines communes, un projet de Vik Muniz qui s’inspire du rapport entre l’homme et la vigne, dont l’essentiel est exposé à la Collection Lambert, à Avignon, jusqu’au 29 septembre.
Biennale Paris, jusqu’au 17 septembre, Grand Palais, Paris. De 11 h à 22 h. Fermeture à 18 h le mardi 17 septembre.