Nicolas Daubanes | Le batiman et a nou

En parallèle de l’exposition « Go Canny ! Poétique du sabotage » à la Villa Arson (du 10 février au 30 avril 2017), Nicolas Daubanes investit les espaces de La Station autour d’une proposition intitulée « Le batiman et a nou ». Sous ce titre ronflant comme les punchlines des célèbres rappeurs français se déploie l’idéologie d’un sabotage par le bas. Forme de réappropriation et d’invective, « le batiman et a nou » provient à l’origine d’un graffiti réalisé par une personne détenue de la Maison d’arrêt de Nanterre. Photographié puis épinglé dans le bureau de la directrice adjointe, il exprime autant la réplique intrépide de détenus face à l’autorité et l’absence de toutes libertés que l’ironie et la condescendance d’une bureaucratie confortablement installée et parfois humiliante. Multipliant les interventions dans les prisons, Nicolas Daubanes est devenu un expert en sabotage discret, à l’image de sa clé réalisée en céramique dentaire censée ouvrir le quartier des femmes de la prison des Baumettes et pouvoir passer les portillons de sécurité. Fractionnée en petits morceaux, elle porte en elle le potentiel d’une arme tranchante et l’espoir d’une évasion, une fois tous les éléments de la ruse réunis. Condition nécessaire pour « sauver sa peau », le sabotage fait appel à des savoirs éminemment pratiques comme le fut la mètis grecque. Cette forme d’intelligence, faisant appel à l’infiltration ou à la transformation des matériaux et des outils, permet aussi à Nicolas Daubanes de conjuguer les dispositifs de surveillance aux stratégies de sabotage ; jusqu’à obtenir les plans secrets d’une prison, afin d’en élever la tour panoptique en béton sucré. La ruse dont il est question est tournée vers l’instant et fait face à des situations extrêmes. Elle désigne une intelligence de la dissimulation ou de l’alibi, comme ces baigneurs rôdant près des ponts l’été, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers, simplement affublés de maillots de bain, carottaient les piliers de bois soutenant les ponts afin d’y infiltrer de l’eau pour que, l’hiver venant, celle-ci gelant et gonflant, fasse craquer le bois et céder le pont. Détournant l’anecdote contée par un ancien résistant, Nicolas Daubanes embroche un congélateur avec une poutre de bois afin d’en reconstituer dans un geste artistique la force et la malice. Nathalie Desmet et Marion Zilio. Visuel : Le batiman et a nou, jus de citron révélé au feu, dessin mural, 80 cm, 2016 © Nicolas Daubanes.