Musées sans gravité | Le Frac-Artothèque du Limousin invite le Frac Centre-Val de Loire

Alors que le Frac-Artothèque du Limousin travaille à sa prochaine implantation dans un nouveau bâtiment du centre ville de Limoges, il nous a paru opportun de nous intéresser à l’architecture d’exposition. Nous nous sommes spontanément tournés vers nos collègues du FRAC Centre-Val de Loire dont la collection est internationalement connue pour sa dominante en architecture expérimentale.  Après avoir balayé ce thème sous divers angles, prenant conscience de l’ampleur du sujet, nous avons décidé de nous concentrer sur la question de l’architecture d’exposition mobile, de l’exposition itinérante au musée mobile. Y. Miloux. Un musée, de fait, est sans lieu. Un musée n’est pas de son lieu. Il est un champ de mobilités. Mais à l’image-même de ce qu’il « garde » – l’œuvre d’art – il définit à l’infini des lieux et leurs narrations. Un musée est fondamentalement « sans gravité ». Il résiste à la gravitation. Et c’est ce hors-sol qui lui donne la hauteur nécessaire à l’accomplissement de ses missions. Il serait bien erroné de continuer à scinder ainsi la mobilité des pensées et celle des corps. Il est temps de s’affranchir du dilemme extramuros / intramuros. En effet, dans ses murs, le musée est tout autant hors de lui, qu’il est à l’extérieur de sa peau en quête de lui-même : une incarnation permanente, comme on dit une « création permanente » (Robert Filliou). Fruit d’une collaboration entre le Frac Centre-Val de Loire et le Frac-Artothèque du Limousin, l’exposition « Musées sans gravité » présente un ensemble d’œuvres d’artistes et d’architectes qui s’envisagent comme des dispositifs expérimentaux de distorsion de la création contemporaine. Plus particulièrement, l’exposition témoigne de l’introduction dans le champ de l’architecture et de l’art contemporain de deux modalités de diffusion qui tentèrent – et tentent aujourd’hui encore – de révolutionner l’Institution en renouvelant la relation entre l’œuvre et le public : la reproduction d’œuvres d’art d’une part, et la conception de dispositifs mobiles de diffusion d’autre part. Le nouveau rapport à l’œuvre initié par ces deux champs de recherche bouleverse radicalement l’espace d’exposition. La Boîte-en-valise de Marcel Duchamp, le mobilier de Joe Scanlan ou encore le classeur documentaire des performances de Chris Burden sont des musées portatifs qui intègrent la reproduction comme constitutive de l’œuvre. Le Musée Imaginaire (1947) d’André Malraux – Museum without walls dans sa version anglaise – est lui-même un projet architectural dont l’ambition imposait la forme du livre illustré, avant que ne s’y frotte le sculpteur-architecte Pierre Székely. Les projets d’architectures itinérantes pour des bibliothèques (Ionel Schein), des théâtres (Pascal Häusermann, Justus Dahinden), des espaces d’exposition (Antoine Stinco, Patrick Bouchain) ou pluridisciplinaires (Peter Cook) expérimentent de nouvelles relations entre le public et l’œuvre. Car tout projet de diffusion suppose la projection d’un espace organisé, réel ou abstrait, où se déroulera la rencontre sensible avec le public. Et si la reproduction et l’itinérance d’une œuvre d’art confinent à un rapport éphémère et dématérialisé, l’une et l’autre appellent à une architecture de l’évanescent et du mouvement, ouverte au possible ignoré des musées sans gravité. A. Damani. Visuel : Chanéac, Centre Beaubourg, 1971-1974. Maquette, carton plume, plâtre, polystyrène, carton, aluminium, 27,5 x 82 x 59 cm Donation Nelly Chanéac, Collection Frac Centre-Val de Loire - Photo : ©Philippe Magnon