Isabelle Ferreira | Revenir là où tout est résolu

« L’exposition d’Isabelle Ferreira aurait pu s’intituler Revenir là où tout est paysage. On y aurait entendu bruire des territoires habités, forcément habités – ce “tout est paysage” de l’architecte belge Lucien Kroll (1927). Elle reviendra plutôt, avec poésie, “là où tout est résolu”, parce que rien ne l’est jamais qu’un instant, jamais complètement, considérant que l’on vit de paysage – cet “impensé” de la “raison” occidentale. Impensable que le paysage relève de l’“impensé” quand la notion naît, en Europe, au XVe siècle, et en peinture ? Peut-être bien. Mais quelle que soit la langue, il dessine une portion de “pays” ; demeure circonscrit par la raison qui échoue à en concevoir la globalité et ne peut qu’en affirmer le cadre et les spécificités – le fameux point de vue. Précisément : au cœur de cette première exposition personnelle de l’artiste à la Galerie Maubert, un nouveau déploiement des Eléments de perspective qu’elle développe depuis 2015. A travers eux, elle se réfère à un moment-clef de l’histoire de la peinture (ainsi que du paysage moderne) dont les ouvrages Nouvelle méthode pour assister l’invention dans le dessin de compositions originales de paysages d’Alexander Cozens (1717-1786) et Eléments de perspective pratique à l’usage des artistes... de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) sont emblématiques. Au-delà du cadre, du point de fuite et du découpage par plans qui organisent déjà la rigoureuse géométrie des décors et/ou des scènes peintes, ces deux manuels proposent, à une époque où le genre du paysage acquiert son autonomie, des méthodes mécaniques et normatives de composition basées, notamment, sur la définition de formes isolées et standardisées qui, par leur combinaison précise, produiraient de l’idéal, du pittoresque, du caractéristique. » Marie Cantos, historienne de l’art. Visuel : Eléments de perspective, Isabelle Ferreira, 2015.