Faisant usage de sa voix comme matière première, l’artiste norvégienne Hanne Lippard (1984) explore les formes sociales gouvernant la parole.
À travers un ensemble d’œuvres réunies sous un titre emprunté au sémiologue Roland Barthes, dans son ouvrage Fragments d’un discours amoureux, l’artiste met en scène la rencontre entre le corps du visiteur, le texte et l’espace public. La voix féminine est depuis toujours celle du care (la voix de l‘espace émotionnel, du domestique), de l’assignation (prophétie, Pythie) ou de l’hystérie. Marchandisée par la productivité du monde moderne, elle devient celle de la machine puis du secteur tertiaire – celle du personnel vocal intelligent : gps, enceintes connectées, répondeurs. À l’ère de l’anonymisation de la parole (twitter) et du savoir (wikipédia), d’une désincarnation érotisée de la voix féminine (podcasts, applis de rencontres), celle-ci est abordée chez Hanne Lippard de manière corporifiée. Pour sa première exposition personnelle en France, l’artiste propose une expérience de visite en forme de quête d’empowerment. Le langage est une peau explore la notion d’anonymat, fer de lance de l’économie digitale qu’elle met en miroir avec celui du visiteur, conduisant à sa propre obsolescence programmée. Le langage est une peau met en jeu la désobjectisation de l’œuvre d’art autant que celle du corps féminin, à l’heure d’une quatrième vague féministe. Hanne Lippard invite
à repenser l’exposition comme espace utopique, celui d’une émancipation possible face à un monde dans lequel il faut donner voix. Visuel > Hanne Lippard, I missed your call more than I missed you, 2020, Vue d’exposition, ARTEFACT 2020: Alone Together, Stuk, Louvain, 2020 Photo : Kristof Vrancken.
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