« L’exposition Digital Gothic rassemble un ensemble d’œuvres témoignant de la résurgence (mais surtout de la continuité) des imaginaires sombres, du romantisme noir et de l’esthétique gothique en cette époque de crises généralisées, marquée par l’effet des technologies numériques et l’ampleur qu’a pris internet dans la vie de la population mondiale ces vingt dernières années. L’esthétique “gothique”, bien qu’elle trouve ses sources dans l’art médiéval et dans un ensemble de formes ou symboles apparus à partir du XIIe siècle, est avant tout un fantasme, une mystification née vers la fin du XVIIIe siècle et s’étant considérablement développée au XIXe siècle à travers la littérature, l’art et l’architecture. (…) Les artistes présentés ont tous grandi dans les années 1980-1990, période durant laquelle Internet parvenait à son stade ultime de démocratisation, après avoir été originellement créé à des fins militaires. Si le web a d’abord été envisagé comme un espace de liberté, sans cadre étatique, où tout semblait possible, ces artistes ont pris conscience des paradoxes à l’œuvre aujourd’hui dans ce nouveau régime de communication verrouillé, apothéose des systèmes de surveillance, de l’atteinte à la vie privée (…). Hyperinformés (ce qui ne veut pas toujours dire bien informés), ces artistes font face à une période obscure de l’histoire mondiale et se demandent, comme beaucoup, comment penser l’avenir dans ces conditions. Si leurs œuvres proposées dans l’exposition Digital Gothic semblent pessimistes en surface, il s’agit d’un profond malentendu lié aux stéréotypes accompagnant depuis longtemps le romantisme noir et le mouvement gothique, de même qu’à une mécompréhension de la manière dont y sont envisagés la mort, la tristesse et les ténèbres. (…) A la fatalité du moment, à l’impression de ne pas parvenir à se projeter dans un futur meilleur, il serait possible d’opposer la possibilité pour tous de se construire un récit pour le futur, ancré dans le réel et partant de l’existant, laissant libre cours à l’imaginaire politique, tout en se déchargeant des fardeaux actuels tels que la culpabilité, le ressentiment ou le cynisme. Si le romantisme noir n’a jamais sauvé le monde, il a toujours permis d’ouvrir des brèches et de stimuler les instincts de liberté. Il demeure en ce début de XXIe siècle un authentique modèle d’inspiration, une puissante source d’énergie pour construire l’avenir. » Benoît Lamy de La Chapelle, directeur de la Synagogue de Delme. Avec les œuvres de Zoe Barcza, Alfred Boman, Nicolas Ceccaldi, Victoria Colmegna, Morag Keil, Clémence de La Tour du Pin, Maria Metsalu, Petros Moris, Jill Mulleady, New Noveta, David Rappeneau et Viktor Timofeev. Visuel : © Morgan Fortems.
Digital Gothic | Exposition collective
