Le titre de l’exposition, Azul Jacinto Marino, est à l’image du travail mené par le duo Rometti Costales (Julia Rometti et Victor Costales) depuis huit ans : polysémique, multidirectionnel, équivoque, riche de multiples facettes ou interprétations. Car si les termes renvoient au premier abord à trois nuances de bleu – bleu azur, bleu jacinthe et bleu marine –, ils évoquent aussi la pierre d’azurite, une plante, la mer et le ciel, oscillant entre ces divers mondes, minéral et végétal, solide et liquide, visible et invisible. Azul, Jacinto et Marino sont également des prénoms et des noms courants en Amérique latine et en Espagne ; et dans la cosmogonie propre aux artistes, c’est le nom d’un personnage à la fois chaman, poète et anarchiste, dont on ne sait plus très bien s’il est réel ou fictif. Un personnage qui leur permet de dérouler de multiples fils narratifs et quelques concepts récurrents dans leur travail. Dont celui d’anarchisme magique (anarquismo mágico) que Rometti Costales a forgé tel un jeu, à la fois poétique et politique, qui s’appuie sur quelques faits réels : en 1953, un des derniers représentant de la colonne Durruti, faction anarchiste en lutte contre le régime de Franco durant la guerre civile espagnole, part s’exiler en Bolivie. Au cœur de la forêt amazonienne, le combattant décide de construire une micro société anarchiste. De la rencontre avec les tribus amérindiennes voisines, naît une communauté hybride et étrange, mêlant aux thèses anarchistes l’expérience chamanique qui permet d’entrevoir via la transe et la magie une vision non pyramidale du monde, où coexistent de manière égalitaire différentes entités, où l’homme n’est plus au centre du monde mais dans le monde… Ce qui intéresse les artistes dans cette rencontre entre deux cultures a priori éloignées, c’est la puissance combinatoire de deux systèmes de pensée, l’un politique et l’autre magique. Visuel : © Rometti Costales.
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