karishma d’souza | Ancestors

Dans son livre La chair des mots, Jacques Rancière examine la relation intime qui lie la poétique à la politique et défend une hypothèse selon laquelle la poésie, même dans sa forme lyrique, voire subjective, s’articule inconsciemment ou volontairement autour des idées politiques, les résume en formes visuelles et métaphoriques et les intègre harmonieusement dans l’imaginaire collectif. Sa position fait d’autant plus écho à l’œuvre de Karishma D’Souza, que celle-ci cherche dans sa pratique artistique à croiser consciemment ces deux dimensions, afin de souligner leur caractère co-dépendant. En effet, la poésie des formes lyriques, simples, presque naïves, que crée l'artiste, est saturée de références renvoyant à des réalités politiques concrètes et souvent violentes. Cependant, elle ne se contente pas de mobiliser la force poétique pour aborder la politique ; elle cherche également à sublimer les formes contingentes provenant du contexte politique, afin de remonter aux origines universelles et ressusciter les discours nobles, mais quasi oubliés des ancêtres. D’origine indienne, Karishma D’Souza s’inspire de l’environnement dans lequel elle a grandi. Dans sa deuxième exposition personnelle à la galerie Xippas à Paris, les images pastorales de ses tableaux  transportent le spectateur à Bombay ou au pied de l’Himalaya, en lui permettant de contempler des paysages harmonieux et paisibles. Rien ne semble déranger la quiétude de ces scènes ; cependant, l’harmonie qui leur est propre n’est qu’une apparence.