Armén Rotch

Depuis les années 2000 on connaît surtout du travail d’Armén Rotch ses œuvres réalisées avec des sachets de thé recyclés appelés « Quelque chose de vivant ». Le sachet usagé, ce rebus ordinaire du quotidien avec son apparente fragilité et la symbolique spirituelle inhérente au thé en ont fait le médium privilégié, le matériau le mieux apte à exprimer les questionnements et la nécessité de revenir à l’essentiel de l’artiste. L’économie de moyens et la rigueur de la forme s’accordent dans ses grandes toiles bistres, composées avec le temps et non contre lui, structurées à partir du souffle des buveurs-donateurs de sachets, en toiles construites telles des murs d’antiques citées d’Orient. Cette structure rigoureuse, multiforme et architecturale, on la retrouve également et parallèlement dans une partie moins connue en France, mais néanmoins essentielle du travail de l'artiste, à savoir la peinture. La peinture matière, noble et irremplaçable, héritage des maîtres anciens, des miniaturistes de la Grande Arménie aux peintres d’icônes, travaillée tel un palimpseste, avec minutie trait après trait, couche après couche, enduite et effacée, entrelacée de bandelettes puis décollée et repeinte à nouveau. Décollements comme volonté d’arracher et de s’arracher au temps, dans les peintures comme dans les derniers collages-décollages de sachets. Accumulations dans les architectures de sachets, ou dans les traits répétés du pinceau, transformant strate après strate la peinture en matière. Comme si le temps, les souffles et le traits uniques du pinceau accumulés pouvaient permettre d’atteindre l’inatteignable, l’après… La verticalité de la pensée face à l’horizontalité de la matière. Le champ du visible passe de l’objet au rebus, du rebus à la toile, de la toile à la matière et à la peinture devenue matière.