Dans son dernier portrait de groupe, De Staalmeesters, de 1662, Rembrandt représente les maîtres de la guilde des drapiers d'Amsterdam. Cette instance était chargée de vérifier et de contrôler la qualité et la quantité des étoffes fabriquées, teintes et vendues par ses membres. Le personnage assis au centre en est le président. Le livre de comptes ouvert devant lui contient la quantité et l'évaluation de la production des membres. Le noir et le bleu étaient les tons habituels de l’habillement à cette époque, et l’on portait une attention particulière au noir des étoffes. L’étoffe noire portée par les Staalmeesters doit témoigner de l’exigence de qualité, et Rembrandt est chargé de manifester dans ce tableau les caractères et l’ambiance de l’assemblée annuelle. Aucun autre artiste, avant ou après l’âge d’or de la peinture descriptive hollandaise, n’est parvenu à produire ce noir presque palpable, à la fois iridescent à la surface du vernis et plein en profondeur. Mais les personnages du portrait de groupe de Rembrandt reflètent aussi un moment socio-politique intéressant : le ton noir uniforme nivelle l'individualité des maîtres drapiers. Ces structures cachées, enfouies dans le noir par Rembrandt, nous les retrouvons dans les tableaux noirs de Pierre Soulages réalisés depuis les années 1970, parfois en dialogue avec le bleu de lapis lazuli et de délicates traces et lignes de blanc venant apporter du mouvement - toujours en contraste avec le noir comme les cols d’un blanc vif des drapiers. Des séries de tableaux noirs de grandes dimensions, comme les Polyptiques, laissent apparaître dans leur présence monumentale des profondes lignes tracées dans la pâte de la couleur. Elles structurent la texture lisse, mate et brillante et constituent des ordonnancements changeant composés de sillons et de crêtes horizontaux, verticaux, ou obliques. Visuel : Soulages, "Peinture 97 x 130 cm, 30 juillet 2014".
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