Se laisser prendre au(x) jeu(x) à Montréal

S’appuyant sur la récurrence, à travers l’histoire de l’art, du recours à l’univers du jeu en tant que source d’inspiration, le Musée des beaux-arts de Montréal propose actuellement de découvrir l’exposition Joueuses / Joueurs, qui réunit une quarantaine d’œuvres d’artistes canadiens qui toutes, de manière formelle, conceptuelle, en lien avec leur réalisation, avec le fil narratif qu’elles déroulent ou les références qu’elles évoquent, participent à une réflexion commune autour du thème du jeu et de ses multiples ramifications.

Humboldt en Amérique, Trevor Gould, 2007.

Que ça soit pour réaliser des trompe-l’œil, des anamorphoses, ou encore pour glisser dans leur travail des codes cachés, les artistes visuels ont de longue date fait usage des stratégies du jeu pour élaborer leurs œuvres. Un univers non plus considéré aujourd’hui comme simplement dévolu au divertissement, mais étudié avec sérieux car générateur d’outils permettant de varier l’appréhension de problèmes ou de situations d’ordre social et/ou personnel. Forte de ce constat, l’exposition Joueuses / Joueurs propose un parcours divisé en quatre grandes sections : « Jeux d’enfants et détournement », « Jeux, rôles et déguisement », « Jeux d’esprit » et « Jeux immersifs ». Les œuvres regroupées dans la première grande partie affichent une apparence ludique ou détournent matériaux et images pour livrer un regard multiple, tour à tour grave et poétique, sur le monde. Citons Ciel de nuit, de Barbara Todd, large courtepointe où des motifs de quarts de Lune et d’étoiles alternent avec divers engins de guerre, ou encore Montagnes arc-en-ciel, d’Elisabeth Picard, paysage multicolore, suspendu dans l’espace, constitué de quelque 60 000 colliers de serrage en plastique (notre photo d’ouverture). Dans « Jeux de rôle et déguisements », les artistes incarnent ou inventent des personnages revisitant, souvent avec humour, leur parcours comme l’histoire collective. Dans sa vidéo Cartes sur table avec Marinette, Marie-Claude Bouthillier se sert ainsi d’une marionnette (Marinette) pour faire état de ses propres réflexions sur l’art, l’institution muséale et ce qui anime sa pratique. Victimes de la modernité est une autre vidéo signée Kent Monkman, à travers laquelle Miss Chief Eagle Testickle, personnage récurrent dans son travail qui explore les représentations des Amérindiens dans l’art, se fait le vecteur d’un discours ironique sur différents thèmes sociétaux par l’intermédiaire d’une parodie d’émission télévisée. Si les œuvres rassemblées dans la section « Jeux d’esprit » tendent à l’illusionnisme, elles ne cherchent pas pour autant à piéger. Avec sa succession de chaises style Louis XVI aux formes exubérantes, pour ne pas dire absurdes (Les ensembliers) – il est impossible de s’asseoir dessus –, Yannick Pouliot aborde la question de l’exclusion sociale. Sculptée dans du bois de noyer, Branche, de Maskull Lasserre, évoque pour sa part sans détour la violence d’une pendaison. Quatrième et dernière partie, « Jeux immersifs » fait référence à tout ce qui est jeu vidéo, d’anticipation et de piste et invite le visiteur à pénétrer dans des mondes parallèles, à l’image du jardin mystérieux composé d’une multitude de plantes et algues en plâtre et silicone signées Denis Rousseau (Ruphdoj), des mondes futuristes peints par Eleanor Bond ou encore des étranges, sinon inquiétantes, hybridations animales représentées par Ambera Wellmann. Le tout est à explorer jusqu’au 1er juin 2020.

* Avec Kim Adams, le collectif BGL, Adam Basanta, Eleanor Bond, Sylvie Bouchard, Marie-Claude Bouthillier, Eric Cameron, Mario Doucette, Gerald Ferguson, André Fournelle, Karine Giboulo, Trevor Gould, Maria Hupfield, Maskull Lasserre, Christine Major, Liz Magor, Michael Merrill, Gilles Mihalcean, Kent Monkman, Elisabeth Picard, Yannick Pouliot, Rober Racine, Denis Rousseau, Barbara Todd, Angèle Verret, Ambera Wellmann et Jinny Yu.

Contact

Joueuses / Joueurs, jusqu’au 1er juin 2020 au Musée des beaux-arts de Montréal, 1380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal, Québec H3G 1J5, Canada.

Crédits photos

Image d’ouverture : Montagnes arc-en-ciel, 2015 © Elisabeth Picard, photo Michel Dubreuil – Humboldt en Amérique © Trevor Gould, photo MBAM / Christine Guest – Branche © Maskull Lasserre, photo MBAM / Christine Guest – Infraction / en s’étant couché par terre © Karine Giboulo, photo MBAM / Christine Guest – La Ville sans fin : la vie confortable pour une population nombreuse © Eleanor Bond, photo MBAM / Brian Merrett – Cartes sur table avec Marinette © Marie-Claude Bouthillier – Chien tête en bas © Ambera Wellman, photo Galerie Projet Pangée

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