Le street art, de l’illégalité à la popularité

Jusqu’au 3 novembre, le Musée des beaux-arts de Calais revient sur les origines et l’évolution du street art. A travers une soixantaine d’œuvres*, l’exposition Conquête urbaine permet de mieux comprendre comment cet art, longtemps considéré comme illicite, est aujourd’hui accepté, voire encouragé, par la ville et le public.

Universal Personhood (série), Obey.

A l’entrée du Musée des beaux-arts de Calais, une immense fresque accueille les visiteurs. Alëxone a été choisi pour interpréter le titre de l’exposition Conquête urbaine : ses fameux animaux surréalistes brandissent des bombes aérosol, des rouleaux à peinture et des pinceaux comme s’ils s’apprêtaient à combattre. « J’ai réalisé des guerriers avec des outils servant à peindre comme armes, qui partent à la conquête de la ville », confirme l’artiste. Un peu plus loin, les visiteurs peuvent participer à un atelier d’artiste. Au programme : créer son nom de street artiste, s’informer sur les créateurs réunis dans l’exposition et s’initier au lettrage de l’art urbain.
D’emblée les graffeurs ont dû s’adapter aux lois et contraintes de la rue, souvent synonymes pour eux de précarité et d’illégalité. Pour exécuter rapidement leurs créations, ils utilisent des outils maniables, légers et faciles à transporter. Pour ne pas se faire attraper ou reconnaître, ils mènent le plus souvent leurs actions face cachée et dans l’anonymat. Ce sont d’ailleurs des pseudonymes calligraphiés qui constituent les prémices de leur art. Conquête urbaine remonte aux années 1960 pour évoquer l’apparition du graffiti writing aux Etats-Unis, plus particulièrement à New York et à Philadelphie. Parmi les pionniers les plus connus : Cornbread, avec sa désormais célèbre couronne, et Taki 183. D’abord simples écritures, les blazes s’ornent petit à petit de décors, de fonds et même de personnages issus de la culture de masse. Aujourd’hui, certains vont jusqu’à utiliser les codes de la culture numérique.
Dans la rue, chacun peut s’exprimer librement, et les artistes urbains l’ont bien compris : la plupart d’entre eux ont choisi l’espace public pour des raisons politiques et voient leur pratique comme un art contestataire en s’appropriant les faits d’actualité. Parmi eux, le photographe et plasticien français JR, très engagé, notamment sur la question de l’immigration et des murs de séparation, que ce soit entre le Mexique et les Etats-Unis ou encore entre Israël et la Palestine. Son œuvre exposée à Calais fait partie du projet Los surcos de la ciudad, qui peut être traduit par « Les rides de la ville » : des portraits de survivants de la guerre civile espagnole affichés sur les façades de Carthagène, en Colombie. Il en est de même pour Shepard Fairey, connu également sous le pseudonyme d’Obey. A travers ses affiches, il fait passer ses opinions, notamment son goût pour le pacifisme. Au Musée des beaux-arts de Calais, le public peut découvrir une pièce extraite de sa série Universal Personhood, qui représente une femme voilée avec le mot peace écrit en arrière-plan.
Outre son caractère rebelle, le street art est également populaire. Ses adeptes se soucient de plus en plus de leur public. Certains d’entre eux n’hésitent pas à reproduire le portrait d’anonymes en grand format dans la ville ; une manière de mettre en lumière les invisibles et les exclus, de s’interroger, aussi, sur la place de l’homme dans le monde urbain. Cette dimension est au cœur du travail de Vhils. L’une de ses œuvres exposés à Calais, Lacerate 9, est le portrait d’un homme sculpté dans une porte en bois. D’autres utilisent les nouvelles technologies pour favoriser une forme d’interaction avec leurs fans, à l’image d’Invader qui a créé une application pour smartphone. Le but : dénicher ses œuvres dans la rue et les flasher pour gagner le plus de points possibles, comme dans les jeux vidéo dont l’artiste s’inspire. De plus en plus présente, la volonté d’échange entre public et artiste témoigne bien de l’évolution de la pratique du street art : autrefois illégal, il est aujourd’hui accepté et, toujours, à la portée de tous.

* Avec Alëxone, Anders Gjennestad, Astro, Aurel Rubbish, Bando, Banksy, Blek le Rat, Bordalo II, C215, Cleon Peterson/ Clet, Conor Harrington, Cope2, Cornbread, Crash/ Dondi White, Dran, eL Seed, Ernest Pignon-Ernest, Faith 47/ Fenx, Fintan Magee, Futura 2000, Gérard Zlotykamien, Herakut, Honet, Icy & Sot, Invader, Isaac Cordal, Jace, Jacques Villeglé, Jean Faucheur, Jef Aérosol, Jérôme Mesnager, JonOne, Jorge Rodriguez-Gerada, JR, Katre, Keith Haring, Levalet, MadC, Mademoiselle Maurice, Mark Jenkins, Miss Tic, Miss Van, Mode2, Os Gemeos, Phase 2, Rammellzee, Rero, Roa, Romain Froquet, Seen, Shepard Fairey, Speedy Graphito, Sten Lex, Taki183, Vermibus, Vhils et Zevs.

Contact

Conquête urbaine, jusqu’au 3 novembre au Musée des beaux-arts de Calais.

Crédits photos

Image d’ouverture : Vue de l’exposition Conquête urbaine au Musée des beaux-arts de Calais © Photo M. Maudieu – Universal Personhood © Obey, photo M. Maudieu – Vues d’exposition © photos M. Maudieu – Los surcos de la ciudad, Juan Garceran Perdrero © JR, photo M. Maudieu -© Alëxone, photo M. Maudieu – Untitled 14 © El Seed, photo M. Maudieu – Lacerate 9 © Vhils, photo M. Maudieu – © Cornbread, photo M. Maudieu

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