Le dessin, aux couleurs mates, aligne de petits récipients fermés par des bouchons qui se dévissent. A chacun son libellé : une étiquette, un mot. Enchaînés, ils se font phrase et se déchaînent : « Après, quand tu rentres chez toi, tu lexomiles et ne rêves plus… » L’œuvre de Jeanne Susplugas joue sur la simplicité du dessin, son rapport naturel à l’enfance et, mine de rien, mine les travers d’une société en veine de subterfuges et qui plâtre son mal de vivre à grand renfort de médicaments. En écho, une jeune femme sans couleur porte, telle une Noire africaine, une bassine rose sur la tête. Son sourire, flanqué de couettes postadolescentes, apparaît figé sous le poids des boîtes pharmaceutiques…
L’exposition Comic Strip rassemble au musée de Sérignan près d’une vingtaine d’artistes qui nous disent par le dessin. Entre le monumental et le microscopique, le conceptuel et le tridimensionnel, le noir et blanc et la couleur, ils ont abandonné carnets de voyage ou esquisses préparatoires pour libérer cette discipline, lui offrir une sorte de renaissance, sinon de reconnaissance. Leurs supports sont sans modération et utilisent à tout-va les moyens informatiques les plus pointus pour décocher leurs traits. L’engouement qu’ils suscitent auprès du public révèle ce besoin d’un retour à l’émotion, à l’expérience et au sentiment, comme en témoigne l’œuvre d’Agnès Rosse ou d’Abdelkader Benchamma.
Comic Strip nous rappelle aussi que les dessinateurs de BD furent longtemps les parents pauvres de l’art contemporain, même si d’aucuns ont arraché à cet art mineur ses lettres de noblesse. Des histoires graphiques épurées de Killoffer aux pictogrammes qui saturent l’espace d’un Jochen Gerner, une belle escapade jalonnée de traits inventifs où l’ironie a la tendresse de la vie.