Jerry Berndt – Voyages au bout de la nuit

Aux Etats-Unis,  à la fin des années 60, il valait mieux ne pas avoir planté de canne à sucre aux côtés de Fidel Castro, ni contesté la guerre au Vietnam, ça vous attirait de sérieux ennuis avec le FBI. Caché le jour, Jerry Berndt, le soir tombé, sortait de sa tanière assouvir sa passion photographique dans le bas-ventre de Boston, où, au milieu des voyous, des drogués, des prostituées et des paumés en tout genre, il avait plus de chance de recevoir un coup de couteau si on repérait son appareil, que de se faire ramasser par les fédéraux. De ses voyages au bout de la nuit, Jerry Berndt, né en 1943 dans le Wisconsin, a ramené des bars, des bouges et des boîtes du quartier de « Combat Zone », des images d’oiseaux fracassés et de fauves nocturnes qui ont la beauté et le réalisme vénéneux des fleurs du mal poussées en marge du rêve américain. Aujourd’hui, ces portraits de la solitude, de la misère sexuelle et de la violence paraissent exotiques tant en un demi-siècle le monde est devenu méconnaissable. Comme le sera bientôt la poignée de photos du quartier de Belleville où il vit avec sa famille, prises ces derniers mois, et qui illustrent un Paris en train de fondre aussi vite que la banquise. Se faisant face comme les reflets d’un miroir, les « photos de nuit » présentées à la Librairie photographique témoignent des virages de ces deux époques à la dérive. On découvrira dans Insight, somptueuse monographie publiée aux éditions Steidl, le talent trop méconnu en France de ce photographe qui a couvert, entre autres, le génocide du Rwanda et la guerre civile en Haïti. En attendant que Paris s’inspire de Berlin qui a organisé au début de l’année une importante rétrospective de son œuvre et que Jerry Berndt, après avoir reçu en même temps qu’Annie Leibovitz la reconnaissance du public outre-Rhin, puisse à son tour être honoré chez nous.

GALERIE

Œuvres de Jerry Berndt