Après l’importante exposition au Clos des Cimaises, qui a rassemblé tout l’été 250 œuvres du sculpteur, c’est au tour de la galerie Artset, à Limoges, d’accueillir Marc Petit. Pour l’occasion, l’artiste a réalisé des… meubles ! Production exceptionnelle, qui vient comme une respiration après les douze tondos du Testament.
Treize heures, les premiers visiteurs s’empressent d’accéder au jardin de l’artiste. L’heure n’est pas à la solitude de l’atelier mais à la convivialité. Ils sont nombreux à avoir fait le déplacement pour admirer parmi les plus récentes sculptures grand format de Marc Petit. Pantalon noir et chemise blanche, ce dernier passe de l’un à l’autre pour saluer, discuter, expliquer. Un moment d’échange comme il sait les organiser. Un peu plus tard dans l’après-midi, les voisins entendront les portières claquer et les moteurs donner du piston : ce sera l’heure de rejoindre Limoges et la galerie Artset. Ceux qui y ont passé une tête dans la matinée savent déjà sur quelle surprise veille Jean-Claude Hyvernaud, le maître des lieux. Dès le pas de la porte, il est évident que cette exposition sera différente. Un échiquier trône au centre de l’espace. Chacune des pièces ainsi que le plateau portent la marque du sculpteur. C’est alors seulement que le souvenir d’avoir lu quelque part « Sculptures et mobilier » revient. A l’étage, consacré tout au long de l’année à l’œuvre de Marc Petit, tables, chaises, fauteuil, miroir viennent habiller ce qu’il est aisé d’imaginer comme une ancienne salle à manger. Bronze et verre. Les sculptures se reflètent dans les meubles. La curiosité est forte. Certains tentent de tirer une chaise. Le métal pèse mais les invités sont emballés. Au sous-sol, des habitués conversent. Dans l’après-midi, les spectaculaires tondos avaient retenu l’attention, là, dans l’intimité de cette salle voûtée, de plus petites pièces arrêtent le regard. L’artiste a fixé deux frères à leur sortie du cercle. Si le bronze n’était pas là pour nous rappeler la nature des personnages, il serait facile de les imaginer en éclaireurs d’une fratrie plus nombreuse. Mais donnons la parole à l’artiste.
ArtsHebdo|Médias. – Parlez-nous des meubles.
Marc Petit. – C’est une idée de Jean-Claude Hyvernaud. Il y a quelques années, je lui avais fait une table et il en voulait une autre pour l’espace consacré à mon travail dans sa galerie. Sur le coup, je n’en avais pas particulièrement envie, mais il a insisté ! Avant, le premier étage n’était pas un espace d’exposition mais l’appartement de Jean-Claude, alors je me suis dit que j’allais le meubler ! Je lui ai proposé de faire deux ou trois tables et finalement il y a aussi des bougeoirs, des chaises, un fauteuil… A la fin, je voulais faire un lit, mais j’ai renoncé !
Que dire de ce travail ?
Honnêtement, c’est beaucoup plus simple ! Plus léger en tout cas. Je m’implique moins, car une chaise reste une chaise, même s’il faut modeler quelques têtes. Ce n’est pas comme avec les tondos, pour lesquels j’ai dû aller au plus profond de moi, creuser loin. Faire du mobilier ne répond qu’à une recherche esthétique. Le réaliser fut un amusement, un moment très agréable de parenthèse. Après Le Testament, c’était parfait. Je ne suis pas dans l’idée de poursuivre, mais en même temps rien ne s’y oppose. Il faudrait qu’une occasion se présente. Une chose est sûre : je ne me lance pas dans le meuble !
Vous présentez également une série récente de dessins.
Quand j’ai attaqué la série de dessins exposés ici, je n’étais pas serein, car ma dernière période devant la feuille ne s’était pas bien passée. Tout ce qui sortait était mauvais. D’ailleurs, un seul dessin a échappé à la destruction. Bref, la première semaine fut difficile, la deuxième aussi. Mais je me suis acharné. Pour la première fois, j’ai balancé du blanc. Quelque chose a commencé à se passer. J’ai été soulagé car, sans cela, je crois que jamais plus je n’aurais osé dessiner. Le blanc apporte une certaine douceur. Plus de calme aussi.
Pourquoi avoir intitulée cette série de nus Venise ?
Parce que j’ai attaqué ces dessins en rentrant d’un séjour à Venise. J’y vois quelque chose d’un peu plus « baroque » que ce que j’ai pu faire avant et naturellement je me demande si la Sérénissime ne m’a pas un peu influencé. Et puis Venise est un nom qui leur va très bien. Quand je trouve un titre qui me plaît, je le garde !
C’était bien Venise ?
Incroyable ! Je crois que c’est la plus belle ville que je connaisse. On a tous vu des photos, des films, des reportages sur elle, mais la découvrir est un moment inimaginable. Je me souviens particulièrement d’une petite église un peu délabrée abritant des fresques de Véronèse, qui vous font trembler d’émotion, également de l’escalier d’Or du palais des Doges réalisé, non par de grands maîtres, mais par des peintres en décors qui vous laisse la tête en l’air pendant deux bonnes heures ! J’ai aimé l’architecture, la nostalgie des lieux, un atelier de restauration de gondoles, la Fondation Peggy Guggenheim et ses sculptures de Germaine Richier. Il faut évoquer aussi le retable de Bellini, découvert dans une autre église au fil d’une promenade. Il vous ferait presque à croire en Dieu ! Rien que pour lui, j’y retournerai. Nous sommes restés une heure et demi à le regarder. Nous avons cessé uniquement parce que nous n’avions plus de pièces de 50 centimes pour l’éclairer ! Voir de telles œuvres, ça euphorise, ça te remet à ta place et t’invite à avancer.
Ce n’est pas un peu écrasant ?
Au contraire ! Devant elles, il est impossible de baisser les bras en se disant qu’on ne pourra jamais atteindre un tel niveau. Il faut travailler encore et encore, on ne sait pas ce qui peut arriver. Evidemment, après ça, quand tu prends un bout de papier pour faire un dessin, tu te sens un petit garçon, mais ce n’est pas grave, il faut continuer d’avancer. Imaginez un monde où tout serait mauvais : ce serait une invitation à produire de la mauvaise peinture, de la mauvaise sculpture… Par contre, côtoyer des chefs-d’œuvre tous les jours, les voir, c’est déjà faire un grand pas. C’est comme de la nourriture. Je ne crois pas aux artistes tombés du ciel, qui ne se nourrissent de rien.
Quoi faire après Le Testament ?
J’étais fatigué. Il me fallait partir sur autre chose. Ce que j’ai fait. J’ai remodelé quelques classiques pour savoir où j’en étais en sculpture. Le classicisme possède des références comme Phidias, Michel-Ange ou Rodin. Il est possible de se situer. Quand je décide de modeler un buste classique, ce n’est pas pour le montrer ou l’exposer, je refais l’exercice comme quand j’avais quinze ans. Il me permet de voir si j’ai progressé.
Et qu’avez-vous vu ?
J’ai vu que j’avance, que je comprends de mieux en mieux la sculpture. J’aime mon travail. Aujourd’hui, je peux dire que je suis sculpteur.