Schuiten et Peeters – L’enfant supposé de l’éternel présent

Schuiten et Peeters forment depuis une quinzaine d’années l’un des tandems de choc de la bande dessinée, notamment grâce à leur prestigieuse série des Cités obscures, mosaïque fantastique et surréaliste de  mondes parallèles, de cités à même de damer le pion aux plus légendaires des Babylone. Si leur fleuron demeure sans conteste La théorie du grain de sable publié en 2007 – réalisé en noir et blanc et au pinceau, cet album conjugue avec aisance univers kafkaïen et envolées graphiques à couper le souffle –, ils récidivent cette année avec Souvenirs de l’éternel présent. Une fable où passé et avenir sont bannis et où les femmes, invisibles, sont confinées au fond d’une grotte. Le récit est issu du synopsis du film de Raoul Servais Taxandria, qui, bien qu’ayant été présenté au Festival de Gand en 1994, perdit tout espoir d’aller à la rencontre du grand public.

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L’histoire de Souvenirs de l’éternel présent a pourtant de quoi séduire. Dans une ambiance apocalyptique, un jeune garçon, Aimé, le mal-aimé, part à la recherche de son passé pour espérer un avenir. Mais les lois implacables de l’éternel présent ont été promulguées à Taxandria, la capitale d’un monde ravagé, une cité dont toutes les machines ont été bannies qui n’accueille plus ni arbres ni oiseaux, où tout s’est figé. Sans défense, l’enfant chauve incube des volutes cancérigènes. Il s’interroge : pourquoi se retrouve-t-il seul, sans parents, sans amis ? Pourquoi est-il l’unique élève de l’école ? Son professeur refuse de lui répondre. Les autorités politiques et religieuses musellent tout libre arbitre ou opinion personnelle. Mais l’enfant va découvrir dans une ancienne imprimerie un livre qui lui révèle en images la catastrophe qu’on s’acharne à lui cacher…

Une fois de plus, les dessins signés Schuiten sont époustouflants : des envolées de colonnes corinthiennes se déploient dans un découpage qui fait la part belle à de larges cases (rarement plus de deux par page). Les décors d’une Alexandrie toxique, postnucléaire et surréaliste évoquent à la fois Enki Bilal et les tableaux de Magritte, sur fond de couleurs pastel, brumeuses et polluées. Malheureusement, le rêve onirique tourne court et l’on se prend à regretter que si le temps, ici, a suspendu son vol, il suspend quelque peu aussi notre intérêt. Dommage que cette belle fable n’ait pas permis l’éclosion d’un scénario plus original. Certes, les bonnes idées ne manquent pas dans Souvenirs de l’éternel présent, mais l’histoire peine à trouver un rythme et l’issue s’annonce sans grande surprise. Mais attendons la suite, le temps n’a pas dit son dernier mot !

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Souvenirs de l’éternel présent, Schuiten et Peeters

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Souvenirs de l’éternel présent : éditions Casterman, collection Univers d’auteurs, série Les Cités obscures  – 80 pages, prix : 18 €
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Schuiten et Peeters © Casterman, © Casterman, © Casterman,Souvenirs de l’éternel présent © Casterman, © Casterman
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