Noirs délires

Jusque début mars, le Centre de la Gravure de La Louvière, près de Mons en Belgique, célèbre son trentième anniversaire en invitant quatre artistes qui couvrent trois tendances de la gravure contemporaine : Thierry Lenoir et ses gravures sur bois, Daniel Nadaud et ses estampes expérimentales, ainsi que Frédéric Penelle et Yannick Jacquet avec leurs installations mêlant gravure, vidéo et images numériques.

C’est l’amour (série), Thierry Lenoir, 1989.

L’exposition Chroniques s’étale sur les trois étages du musée. Trois univers très personnels s’y déploient. Le Belge Thierry Lenoir (né à Soignies, en 1960) a suivi l’enseignement de Gabriel Belgeonne dans l’atelier de gravure de l’Ecole Supérieure des Arts plastiques de Mons. Tout au long des cimaises, son style percutant et la force des gravures sur bois vous sautent au visage. Gravant principalement le MDF dont il apprécie l’aspect meuble, Lenoir chronique avec humour et un brin d’acidité le quotidien de ses contemporains. Pointons la série Notre Congo, datant de 1985, où il ironise avec brio sur la violence des colons et des missionnaires. Pour C’est l’amour (1989), le voilà ciblant avec cruauté le couple. Au fil du temps, ses images deviennent de plus en plus fantasmagoriques. Pour Les Navetteurs, série réalisée entre 2005 et 2010, les rails de train pullulent de monstres et de serpents géants. Dans les gares, d’immenses dinosaures croquent les wagons. En 2012, Thierry Lenoir reprend le thème du couple pour A table. Les choses ne se sont pas vraiment arrangées ! Même chose pour la série Au lit (2014). Installé dans son lit, un couple : lui lit Cent ans de solitude, elle rêve que son homme est un animal promené en laisse. On rit beaucoup. Lenoir n’a aucune limite. Il croque avec sarcasme et semble y prendre beaucoup de plaisir. La puissance de la technique de gravure sur bois ajoute à l’univers satirique de l’artiste. Le tout très très belge, franc descendant du génial Ensor.
Au deuxième étage, Frédéric Penelle (Bruxelles, 1973) et son acolyte vidéaste Yannick Jacquet, qu’on avait vus fin 2017 à la MAAC, rue des Chartreux à Bruxelles. Penelle a étudié la gravure à l’ENSAV La Cambre et il y a enseigné la même matière. Ses bois gravés assemblent des éléments et images de l’actualité en des puzzles puissants : visages, insectes, oiseaux, morceaux d’architecture. Pour le projet Mécaniques Discursives, qu’il mène depuis 2011 avec Yannick Jacquet, ses images sont intégrées dans de grands ensembles qui mêlent gravure, projection vidéo et mouvements. Posé au sol ou fixé au mur, chaque élément se connecte à un autre par la grâce du mouvement de la vidéo projetée, du son (notre photo d’ouverture). On y voit un immense cadavre exquis, un poème déconstruit, qui semble sans structure et qui pourtant raconte un monde égaré, un désastre peut-être ou un effondrement. Ces grandes installations hypnotiques sont un régal. (…)
Dans le cadre d’un partenariat engagé avec notre consœur belge Muriel de Crayencour, fondatrice et rédactrice en chef du site d’actualité artistique belge Mu-inthecity.com, nous vous proposons de poursuivre la lecture de cet article d’un clic.

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Chroniques, jusqu’au 3 mars au Centre de la Gravure à La Louvière.

Crédits photos

Image d’ouverture : Vue de l’exposition Chroniques au Centre de la Gravure, La Louvière. Installation signée Frédéric Penelle et Yannick Jacquet © Frédéric Penelle et Yannick Jacquet, photo Vincenzo Shiavetta – C’est l’amour © Thierry Lenoir

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