Nichée au cœur de la vallée du Lot, à quelque 50 kilomètres de Cahors dans le petit village de Cajarc, La Maison des Arts Georges Pompidou est un centre d’art contemporain pittoresque et inattendu, auquel sont associés une artothèque et un lieu de résidence artistique. Elle accueille actuellement l’exposition Donc…, consacrée à l’œuvre surprenante et généreuse du peintre Bernard Quesniaux.
Le ton est donné dès les abords du lieu avec une maxime peinte sur l’un des murs d’enceinte qui ne cesse d’interpeller le visiteur : « Il est strictement interdit de déposer des aigles ou du fromage de vélo sur le parking durant l’exposition ! » signé le responsable. Car c’est bien à travers une série d’histoires abracadabrantes que Bernard Quesniaux convie le public à découvrir son univers, qui sous des airs de faux-semblants, s’articule autour de la peinture. « J‘ai décidé, à l’inverse des protagonistes (acteurs, peintres) du mouvement support-surface, qui, dans les années 1970, ont démantelé la peinture, de la reconstruire à partir des éléments qui la composent : le chassis, le pigment, le dessin, la forme, sans omettre le supplément d’âme », explique-t-il. A tout cela l’artiste ajoute des critères plus personnels qui ne sont plus ceux que l’on retrouve dans l’histoire de la « belle peinture » : l’épaisseur, la présence, le son, des effets lumineux et de l’humour viennent se glisser dans chacun des titres ou des textes qui accompagnent l’œuvre, « une vraie usine à gaz » selon ses dires.
Au final, « C’est l’histoire du type qui veut bien faire », précise t-il. Endossant le rôle fantaisiste d’un peintre novice, un peu naïf, qui voudrait refaire l’histoire de la peinture du XXe siècle, l’artiste se libère de toutes les normes et contraintes de l’art et entame une recherche sur des chemins improbables ou encore insoupçonnés, n’ayant de cesse de remettre en cause des pratiques acquises. Derrière cette maladresse simulée, il aborde sur un ton parfois ironique l’inévitable confrontation entre abstraction et figuration, la perspective, la question du socle, celle de la représentation, le décoratif et, pour finir, l’illusion de l’art.
« Mon intention est de fabriquer un objet idéal qui remplacerait la peinture, mais qui serait quand même de la peinture ». Donc… la matière prend forme, se gonfle, s’échappe de son support de métal pour créer des monticules ou des excroissances, donne vie à des objets ou des êtres polymorphes qui semblent ne plus être soumis aux lois de la physique. Comme en apesanteur, ici un homme marche sur le mur, un autre lévite. Il y a distorsion de la matière et, par-delà, celle du sens. Tel un alchimiste, l’artiste s’étonne parfois, tout comme le public face à l’œuvre, des résultats qu’il obtient, même s’il s’en amuse comme en témoignent les histoires loufoques qu’il nous raconte. Cet univers baroque, de temps en temps grotesque, dissimule un travail plastique de grande qualité où la poésie rivalise avec la féerie des couleurs et le foisonnement des formes.
Mensonges est le titre d’une importante série de dessins accompagnés de légendes. Chacune d’elle vient démentir la réalité de ce que le spectateur croit voir et plonge ce dernier dans une certaine confusion, avant de déclencher son hilarité.
Mais cette manifestation réserve bien d’autres surprises : pêle-mêle, un immense vaisseau spatial vert qui fait tableau, un chien blanc de polystyrène qui n’a d’autre prétention que d’ajouter de la surface à l’espace d’exposition – tout en élaborant de nouvelles perspectives –, des tableaux « utilitaires », d’autres nommés « indéfendables », les Flouid make-up – qui empruntent aux palettes de fards à joue des filles –, ou encore des sculptures composées de faux miroirs un hommage au couturier Christian Lacroix… Un univers enchanteur qui révèle l’expression d’un art et d’un langage universels où le spectateur se doit d’oublier tout ce qu’il sait pour découvrir d’autres possibles.