Palais de Tokyo – Les choix d’Adam McEwen

Le hall d’entrée grouille de gens. Il y a ceux qui viennent déjeuner, ceux qui se précipitent à la librairie et ceux qui font la queue devant la « caravane à billets » ! Bref, un samedi ordinaire au Palais de Tokyo. En sous-sol, Sophie Calle rend hommage à sa mère dans une friche glaciale digne d’un cimetière. Le silence règne et les visiteurs errent entre pierres tombales et témoignages d’une femme pour laquelle on se surprendrait à avoir des sentiments. Tout le monde, ou presque, rêverait d’en faire autant pour les êtres aimés et disparus. C’est étrange, peut-être aussi un peu dérangeant. Au rez-de-chaussée, l’accueil est tout différent. L’espace de quelques secondes, illusion d’une téléportation, on se croirait au musée de Cluny ! Trois des vingt-huit têtes appartenant aux rois de Juda, mises à bas de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1793, nous contemplent. Drôle d’idée ! « Je suis souvent plus frappé par les similitudes entre des formes artistiques ou des périodes de l’histoire de l’art distinctes que par les différences. Si des œuvres fonctionnent à la même fréquence, elles peuvent entrer très précisément en résonance quelle que soit leur époque. L’idée qui sous-tend l’exposition n’est pas étrangère à une tentative de lévitation, de fuite hors de la gravité – ce rêve de créer un objet qui flotte », explique Adam McEwen à Marc-Olivier Wahler, directeur du Palais de Tokyo. L’artiste est le troisième à investir les lieux pour une carte blanche. Après Ugo Rondinone (2007) et Jeremy Deller (2008), le Britannique est devenu pour l’occasion commissaire d’exposition. Fresh Hell (Enfer frais, le dictionnaire indique également agréable…) est une sélection d’œuvres que l’on a plaisir à découvrir même si, comme on en a désormais l’habitude dans ce temple de l’art très contemporain, le fil conducteur ne saute pas aux yeux. Faut-il d’ailleurs qu’il y en ait un ? On nous annonce un dialogue entre différentes générations, différentes histoires. Le visiteur, lui, préfère se laisser aller à la découverte.

Michael Landy, photo MLD
Market Stall, Michael Landy

Au fil de la promenade, il rencontrera des pièces signées David Hammons, Isa Genzken, Jessica Diamond ou Georg Herold ; mais également des créations d’artistes plus jeunes, comme Steven Shearer, Anne Collier, Hanna et Klara Liden, ou Matias Faldbakken. Juste derrière les têtes moyenâgeuses, un panneau recouvert d’une feuille d’aluminium, prévu à l’origine pour être purement « réfléchissant », s’est transformé en un espace d’expression recevant scarifications et autres graffitis de la part du public. La pièce suivante est entièrement consacrée à Market Stall de Michael Landy. Cet agencement de présentoirs recouverts de faux gazon vert et accompagnés de caisse en plastique marron est impressionnant. L’installation minimaliste évoque ce que serait notre environnement sans produits à consommer. Que deviendrait notre monde privé de tout produit de consommation ? Un étrange désert ? Aurions-nous besoin de nous souvenir en regardant des vidéos comme celles, sur les côtés, qui montrent des commerçants en train d’installer leurs étals. Précaires, certes, mais remplis. Quelques marches à monter pour admirer le monumental tirage d’une photo de Geert Goiris en plein dialogue avec l’intrigant coffre-fort fracturé de Maurizio Cattelan. Le petit trésor de cet espace est sans conteste la vidéo de Gino De Dominicis qui montre l’artiste essayant de faire des carrés dans l’eau. Une tentative aussi vaine que poétique de changer l’ordre du monde. Plus loin Angela Bulloch joue avec la lumière, Martin Creed empile des chaises, Dan Graham liste les effets secondaires d’une vingtaine de médicaments très utilisés (œuvre de 1966), David Hammons accroche une capuche pour évoquer les jeunes cantonnés aux limites de leur quartier, Rob Pruitt plombe des jeans avec du béton et Michelangelo Pistoletto soustrait pour mieux rendre visible… Tout un petit monde !

Rob Pruitt, photo MLD
Esprit de Corps, Rob Pruitt, 2006

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Jusqu’au 16 janvier au
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© © MLD,Belisha Beacon Installation © Angela Bulloch, photo MLD,Work © Martin Creed, photo MLD,Untitled © Rudolf Stingel, photo MLD,Market Stall © Michael Landy, photo MLD,Market Stall © Michael Landy, photo MLD,Market Stall © Michael Landy, photo MLD,Hängendes Labyrinth © Georg Herold, photo MLD,Esprit de Corps © Rob Pruitt, photo MLD,Untitled © Matias Faldbakken, photo MLD, © Gino De Dominicis, photo MLD,The Ears of Jasper Johns © Michelangelo Pistoletto
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